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« Downton Abbey », la vie de château à deux vitesses
Cette quatrième saison continue d'enchanter, malgré l'introduction, par Julian Fellowes, d'intrigues superflues (samedi 20 décembre à 20 heures 50 sur TMC).
C’est bien simple, nous lançait récemment Brendan Coyle, l’interprète de Bates, le majordome boiteux de « Downton Abbey » : « Cette série, on l’a exportée jusqu’en Corée du Nord ! » Presque vrai. Car, doublée pour des téléspectateurs aussi bien coréens (du Sud) que russes ou iraniens, « Downton Abbey » a gagné les faveurs de dizaines de millions de personnes de par le monde, depuis sa première saison, en 2010.
Rappelons que, après avoir reçu un Oscar en 2002 pour le scénario du film Gosford Park, de Robert Altman, Julian Fellowes a remis son ouvrage sur le métier puisque « Downton Abbey » revient aussi sur la « vie de château » que mènent ceux d’en haut et ceux d’en bas (les maîtres dans les étages, les serviteurs en sous-sol). En remontant la pendule de Gosford Park d’une vingtaine d’années, l’auteur recrée le quotidien encore flamboyant d’une aristocratie vivant de ses propriétés, deux ans avant la première guerre mondiale.
Les saveurs et rigueurs de cette vie-là, Julian Fellowes (65 ans) les avait recueillies auprès de ses grands-tantes. Mais la matière n’intéressa longtemps personne dans le monde du showbiz. Il en va tout autrement aujourd’hui, puisqu’une sixième saison de « Downton Abbey » est d’ores et déjà prévue, la quatrième étant diffusée sur TMC à partir de ce soir et la cinquième venant de prendre fin sur ITV en Grande-Bretagne.
Lors de la première saison, Fellowes instillait quelques intrigues suffisamment bien ficelées, au fil de la galerie de portraits qu’il mettait en place, pour que la série enflamme le public et remporte l’Emmy Award du meilleur scénario en 2011. D’autant que « Downton Abbey » bénéficie de nombreux rôles féminins fort bien campés et d’un casting d’acteurs impeccable, du majordome Bates au comte de Grantham, des jeunes comtesses à la cuisinière en chef, sans parler de celle à qui l’on doit de purs moments jubilatoires, tant pour ses réparties cinglantes que pour son jeu magistral, à savoir Maggie Smith, dans le rôle de la comtesse douairière.
Certes perdure en cette quatrième saison – située en 1922 – le plaisir que procure cette série depuis ses débuts – une sorte de soap opera historique haut de gamme. Mais il faut aussi reconnaître que Julian Fellowes, seul à l’écriture, manque son coup lorsqu’il tente d’introduire du suspense dans le château (un viol, une enquête policière, etc.) et du piquant dans la vie amidonnée des Grantham (avec une liaison entre une jeune cousine fofolle et un jazzman noir).
Mais c’est un autre type de critique que le journal britannique The Guardian met en avant. « Ce que nous exportons là, c’est de la nostalgie, une obsession malsaine pour les classes sociales, et une sorte de conservatisme particulièrement poussiéreux », regrette une journaliste. La preuve ? « Downton Abbey » est considéré à l’étranger comme plus proche d’un documentaire sur la Grande-Bretagne que d’une fiction de luxe, puisque même les Américains, qui adaptent très souvent les meilleures séries anglaises, ne l’ont pas fait pour celle-ci ! Gros regret de la journaliste britannique : « Malheureusement, nos exportations culturelles les plus connues ne font que renforcer les stéréotypes sur le système de classe de la Vieille Angleterre. »
- Article original © | Martine Delahaye - Journaliste au Monde